Musique française pour soprano, quatuor à cordes et piano avec la chanteuse Shigeko Hata

Ce programme est un kaléidoscope du sentiment amoureux mis en musique par les plus grands compositeurs français.

L’Ensemble Calliopée a commandé au talentueux Franck Villard des arrangements inédits pour quatuor à cordes et piano qui offrent à la voix l’écrin des couleurs et du lyrisme des cordes, dans le plus grand respect du texte original pour piano seul. Cette soirée se place ainsi sous le signe de la pure musique de chambre, chère à l’Ensemble Calliopée, dans l’esprit des salons parisiens du début du siècle.

Autre commande de l’Ensemble, la pièce Io seguo con disio de Benoît Menut, au centre du programme, est inspiré d’un sonnet de Laurent de Médicis et suit le tumulte intérieur des passions contraires. Elle apporte à ce programme le regard d’un artiste d’aujourd’hui épris de littérature et de poésie qui propose une œuvre puissante et extrêmement originale.

Gabriel Fauré s’inspire de vers de Verlaine, quand amoureux de sa muse Emma Bardac, il lui dédie sa Bonne chanson. La féerie et les charmes de l’Orient attirent puissamment Maurice Ravel qui met en musique des vers de Tristan Klingsor dans Shéhérazade. Amour oriental toujours dans ses Cinq mélodies populaires grecques, sur des textes de Michel Dimitri Calvocoressi, inspirées de véritables chants traditionnels que Ravel harmonise. Ernest Chausson décrit dans sa Chanson perpétuelle les intenses tourments d’une femme abandonnée. Hector Berlioz s’inspire des poèmes de Théophile Gautier dans ses Nuits d’été « pour parler de nos beaux amours… Et dis-moi de ta voix si douce : Toujours ! ». Dans son opérette-comédie musicale L’Amour masqué, André Messager s’associe à Sacha Guitry et à sa femme chanteuse, Yvonne Printemps, pour offrir un chef-d’œuvre léger et libertin. L’ Air des bijoux  de Charles Gounod, extrait de son opéra Faust, est un des plus fameux airs d’opéra, immortalisé autant par La Callas que par la Castafiore dans Les Aventures de Tintin d’Hergé. Elle évoque la métamorphose de Marguerite qui devient une femme sûre de sa beauté. La compositrice contemporaine Isabelle Aboulker offre quant à elle dans son Je t’aime une truculente « vocalise amoureuse pour soprano éperdue ».


PROGRAMME MUSICAL

Ernest Chausson, Chanson perpétuelle 
Maurice Ravel, Cinq mélodies populaires grecques*
Gabriel Fauré, La bonne chanson
Claude Debussy, Clair de lune pour violon et piano
Benoît Menut, Io seguo con disio (Je suis avec passion) pour soprano et quatuor à cordes**
Camille Saint-Saëns, Le cygne pour violoncelle et piano
Isabelle Aboulker, Je t’aime pour voix et piano
Hector Berlioz, Villanelle (extrait des Nuits d’été)*
Maurice Ravel, L’indifférent (extrait de Shéhérazade)*
André Messager, J’ai deux amants (extrait de L’amour masqué)*
Charles Gounod, L’Air des bijoux (extrait de Faust)*

*Arrangements de Franck Villard pour soprano, quatuor à cordes et piano conçus spécialement pour l’Ensemble Calliopée
**Commande de l’Ensemble Calliopée en 2019

Avec 
Shigeko Hata, soprano

Shigeko Hata et l’Ensemble Calliopée sont complices depuis de longues années et ont été invités à se produire ensemble sur des scènes françaises et internationales telles que le festival Gergiev de Rotterdam, ou encore au Sumida Hall de Tokyo. 

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NOTICES SUR LES ŒUVRES

Ernest CHAUSSONChanson perpétuelle pour soprano, quatuor à cordes et piano 

La Chanson Perpétuelle de Chausson a été composée en 1898 et créée en 1899 par sa dédicataire, la mezzo-soprano Jeanne Raunay née Richomme. Le texte, de Charles Cros, traite de la profonde mélancolie d’une femme délaissée par son amant. Le sentiment d’abandon amenant progressivement l’idée du suicide est sublimé par les proportions de la mélodie qui, après des épisodes plus enflammés à l’évocation d’un bonheur passé, sombre dans une tristesse empreinte de lassitude à mesure que le futur de la femme abandonnée se précise. L’œuvre, ultime composition de Chausson, existe dans deux versions, l’une orchestrale, l’autre, figurant au sein de ce programme, pour quatuor à cordes et piano, formation plus adaptée au salon.

Claude DEBUSSYClair de lune pour violon et piano

Paul Verlaine publie le recueil de poèmes Fêtes galantes en 1869. Ces textes mettent en scène des personnages de la Commedia dell’Arte selon l’esprit des tableaux de Watteau. Plusieurs compositeurs ont été très inspirés par ces poèmes, notamment Debussy : outre plusieurs mélodies (dont deux versions du Clair de lune), il publie en 1905 une Suite bergamasque pour le piano, d’une forme librement inspirée des suites françaises anciennes, et incluant notamment Clair de lune, qui est probablement sa pièce la plus jouée. Le thème de l’ambivalence du poème de Verlaine se retrouve dans cette œuvre faisant alterner deux idées thématiques contrastantes. De nombreux arrangements pour des formations très diverses en ont été effectués, et c’est ici une version pour violon et piano qui a été choisie.

Gabriel FAURÉLa bonne chanson pour soprano, quatuor à cordes et piano
Puisque l’aube grandit La lune blanche J’ai presque peur Ce sera par un grand jour d’été 

Il s’agit ici également d’un recueil de Verlaine, cette fois mis en musique par Gabriel Fauré entre 1892 et 1894. Le cycle, bien qu’écrit pour ténor, est dédié à son amante Emma Bardac, future épouse de Debussy. La première version était écrite pour piano, Fauré en a réalisé par la suite une nouvelle édition pour piano et quatuor à cordes. La première de la présente sélection, Puisque l’aube grandit, ne trahit pas son écriture pianistique originelle, riche en grands arpèges, soulignés çà et là par des harmonies de cordes, ce qui convient bien à l’optimisme du texte. La réalisation de La lune blanche exploite davantage le potentiel lyrique des cordes, évoquant ici un paysage nocturne dont la dimension onirique est renforcée par l’usage de tétrasyllabes dans le texte. J’ai presque peur traite de l’abandon total du poète à sa bien-aimée, et de là passe de la notion de rêverie à celle de passion amoureuse, à la manière du madrigal de la renaissance. Le rythme saccadé du piano est conservé, et si les cordes se contentent d’abord de glisser quelque harmonie ou contrechant, elles revêtent par la suite une importance croissante. Avec Donc, ce sera par un clair jour d’été, on aborde le thème de la félicité du mariage, souligné par des harmonies chatoyantes et une écriture subtile du piano et des cordes. Une forme bifide de la mélodie permet de faire entendre, à l’issue d’une première partie vive et animée par un sentiment de joie, une seconde partie plus retenue, contemplative, correspondant à l’atmosphère vespérale de la fin du texte.

Gabriel FAURÉQuatuor pour piano et cordes n°1

Au début des années 1870, Fauré est introduit par son professeur Saint-Saëns dans la haute société parisienne. Il fréquente le salon de Pauline Viardot, et s’éprend de sa troisième fille, Marianne. Il se fiance avec cette dernière après avoir cherché à la séduire pendant cinq ans, mais Marianne, effrayée par cet amour passionné, rompt les fiançailles peut avant le mariage, ce qui occasionne une très forte douleur chez Fauré. C’est à l’issue de cette période qu’il compose son premier quatuor avec piano, dédié au violoniste Hubert Léonard, qui est l’époux d’Antonia Sitchès de Mendi, cousine de Pauline Viardot. Il en réécrit totalement le finale en 1883.

Isabelle ABOULKERJe t’aime pour voix et piano

Je t’aime, « Vocalise amoureuse pour soprano éperdue », puise dans différents styles, souvent opératiques : Mozart, Offenbach, Bizet voire Satie inspirent cette pièce frénétique à forme très classique : une première partie rapide illustrant les transports de l’amante délaissée et ses battements de cœur rapide, une deuxième lente et en mode mineur versant dans la déploration et le pathos davantage que dans la démonstration, et enfin le retour de la première partie. Les paroles de la première partie, davantage portées sur la vocalise, se limitent à des « ah » ponctués de « je t’aime », la deuxième étant plus éloquente et se rapprochant ainsi des mélodies à textes des autres compositeurs du programme.

Hector BERLIOZVillanelle* (extrait des Nuits d’été), pour soprano, quatuor à cordes et piano

La première mélodie des Nuits d’été, d’après des poèmes de Théophile Gautier, date de 1840. Il s’agit d’une promenade bucolique au printemps, que Berlioz illustre avec fraicheur, sans verser dans la mièvrerie. Des procédés tel le canon sont utilisés comme autant de figuralismes pour rendre la musique plus imagée. La mélodie consiste en une forme strophique, légèrement évolutive, qui correspond bien au texte de Gautier, composé de trois strophes de format identique. La version présente, de même que pour les trois mélodies qui suivent, est un arrangement pour quatuor à cordes et piano réalisé par Franck Villard. L’original des Nuits d’été est pour piano et a fait l’objet d’une orchestration par le compositeur lui-même en 1856 avec la science et le raffinement qu’on lui connaît.

Maurice RAVELL’indifférent* (extrait de Shéhérazade), pour soprano, quatuor à cordes et piano

Troisième mélodie de son Shéhérazade, d’après des poèmes de Tristan Klingsor – pseudonyme ô combien wagnérien du poète Léon Leclère – illustrant la légende des mille et une nuits, L’indifférent décrit le passage d’un « jeune étranger » à l’allure androgyne dans des termes assez sensuels. La musique est très calme et souligne cette sensualité avec un balancement presque continu et des lignes souvent conjointes, donnant comme l’impression d’une atmosphère de brume et d’encens. Il semblerait que Ravel ait choisi ces trois mélodies – Asie, La Flûte enchantée et L’indifférent – pour leur grande complexité de mise en musique, souhaitant des textes difficiles à chanter. À l’inverse de Berlioz dans les Nuits d’été, Ravel a d’abord pensé ces mélodies pour orchestre avant d’en faire une version pianistique, procédé fréquent dans sa création. L’indifférent est composé en 1903, à l’époque où Debussy entame une liaison avec Emma Bardac, et dédié à cette dernière.

André MESSAGERJ’ai deux amants* (extrait de L’amour masqué), pour soprano, quatuor à cordes et piano

Dans un registre plus léger qu’un Fauré ou qu’un Chausson, Messager se voit confier en 1922 par Sacha Guitry la composition de la comédie musicale L’amour masqué, alors qu’il a près de 70 ans, à la mort du compositeur belge Yvan Caryll, initiateur du projet. L’œuvre est créée en 1923 avec notamment Yvonne Printemps, la dédicataire, et Sacha Guitry. Le livret narre les aventures d’une jeune femme entretenue par un Baron et un Maharadjah, et qui tombe amoureuse de la photo d’un jeune inconnu… photo qui s’avère avoir été prise vingt ans auparavant ! J’ai deux amants, qui devait à l’origine être le titre de la comédie, est une sorte de valse de music-hall où « Elle » explique de quelle manière elle s’amuse de ses deux futiles soupirants. Le langage musical ici est d’une grande simplicité, afin de ne pas surcharger une intrigue légère, ce en quoi Messager excellait de par sa grande expérience en composition d’opérettes…

Charles GOUNODL’Air des bijoux* (extrait de Faust), pour soprano, quatuor à cordes et piano 

Célèbre pour l’utilisation qu’en fit plus tard Hergé dans Tintin, l’Air des bijoux est chanté par une Marguerite métamorphosée par les bijoux qu’elle vient de trouver à ses pieds, déposés par Méphistophélès pour contrer le bouquet de fleurs apportés par Siébel, le rival de Faust. La jeune femme se contemple dans le miroir et espère être aperçue de ce jeune homme qui l’a abordée le matin même, qui n’est autre que Faust. Il est intéressant de remarquer que cette scène constitue un pendant à L’indifférent : la voix narratrice souhaite être remarquée par l’étranger, mais occupe cette fois la place centrale de la description, qui est ici matérielle du fait de la présence des bijoux, et non sensuelle comme dans le poème de Klingsor.


Shigeko Hata, soprano

Révélée en janvier 2006 par sa prestation dans Zaide de Mozart à l’Opéra de Rouen et à la Cité de la Musique, Shigeko est depuis sollicitée par de grandes scènes lyriques et par des orchestres tels que l’Ensemble Intercontemporain qui lui confie notamment en mars 2006 la création mondiale de Scene for an Opera de Jonathan Harvey. Elle a été l’inter­prète prin­ci­pale de la créa­tion de l’opéra « Seven Stones » d’Ondrej Adamek au fes­ti­val d’Aix-en-Provence en juillet 2018.
Elle interprète Belinda dans Didon et Enée de Purcell, Madrigaux de Monteverdi sous la direction de Kenneth Weiss au Festival d’Aix-en-Provence en 2007, Micaela dans Carmen de Bizet, ainsi que Fiordiligi dans Cosi fan tutte de Mozart. En 2010 elle est invitée pour la création de Six mélodies composées et diligées par Heinz Holliger à Nagoya (Japon). Elle incarne le rôle-titre de Madame Butterfly à l’Opéra de Saint-Etienne en 2012, Carmen dans Le Balcon de Peter Eötvös en 2014 au théâtre de l’Athénée.
Depuis trois ans, Shigeko Hata interprète également les créations du compositeur tchèque d’Ondrej Adamek et plus récemment celles de Georgia Spiropuros, Menacem Zur et Claire-Mélanie Sinnhuber avec l’Ensemble Orchestral Contemporain, 2e2m et L’instant donné.
Invitée régulièrement au festival de Kuhmo en Finlande et au festival de musique de chambre du Larzac, elle affectionne particullièrement la musique de chambre. Elle a déjà enregistré plusieurs disques : des pièces de Poulenc, Caplet, Wolf et Brahms avec le pianiste Karolos Zouganelis son partenaire de récital, l’intégrale des pièces vocales d’Albert Roussel sous la direction de François Le Roux, et aussi des oeuvres accompagnées du quintette de cuivre Magnifica.
Née en 1976 au Japon, Shigeko Hata com­mence ses études musi­ca­les dans son pays natal et entre en 1994 à l’Université de Musique « Kunitachi » de Tokyo, où elle obtient la licence de musi­que. Après avoir rem­porté le pre­mier prix au Concours de chant Français d’Osaka en 1998, elle pour­suit ses études à l’Université de Musique « Showa » de Kanagawa et obtient la maî­trise de musi­que. En 2001 elle intè­gre la classe de chant de Peggy Bouveret au Conservatoire de Paris (CNSMDP) et obtient en juin 2005 le prix de chant men­tion très bien à l’una­ni­mité avec les féli­ci­ta­tions du jury, puis est admise en cycle de per­fec­tion­ne­ment. Au cours de ses études, elle a par­ti­cipé à des mas­ter-clas­ses avec Nathalie Stutzmann, Hartmut Höll, Margreet Hönig et Jeanine Reiss. Elle obtient en 2007 le prix de Duo avec le pia­niste Karolos Zouganelis au Concours inter­na­tio­nal Duo Chant-Piano Nadia et Lili Boulanger.
Elle est membre de l’Ensemble Calliopée depuis 2011.

*Arrangement de Franck Villard

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